Le blog de Stream Affect

La détermination incarnée

« On conquiert à force de persévérance. » George Matheson

Aurélien : « J'avais 25 ans. C'était une période un petit peu compliquée. J'avais quitté mon travail, pour reprendre mes études et passer le concours d'avocat. J'ai eu une séparation avec quelqu'un avec qui j'étais depuis longtemps. Ça impliquait que je retourne vivre chez mes parents. Ça m'a un petit peu... déboussolé. Et je rencontre les mauvaises personnes, qui me plongent dans les méandres de la fête parisienne. Je suis du coup, complètement déconnecté de mon concours.

Et vient un jour où mon père me prend à part. C'est quelque chose qui ne lui ressemble pas forcément. Des discussions, on n'en a pas eu beaucoup. Ça me surprend un petit peu. Il me dit "je vois bien que t'es en train de te perdre, que ça ne va pas. Je vais t'aider parce que je veux que tu deviennes avocat. Et on va se fixer des objectifs pour y arriver, redonner du sens à ta vie."
Quand tu rentres quatre fois par semaine à six heures du matin, il se doute bien que tu fais la fête... Il me dit "Aurélien, t'as toujours été sportif et je sais que le concours te met beaucoup de pression, je pense que ce n'est pas une bonne chose que tu ne fasses que ça. Ça pourrait être super intéressant que tu te fixes un objectif en parallèle, que tu reprennes le sport, et un objectif assez élevé qui puisse te permettre de penser à autre chose." Et du coup, je décide de m'inscrire au marathon de Paris. Je dis à mon père "ok, je me mets dans une ambiance de travail et de sport. Par contre, il faut pas que je reste à Paris." Et mon père me dit "écoute, on part tous les deux." Et pendant trois mois, pour la première fois de ma vie, je me suis dit "là, c'est le moment de changer, d'avoir cette détermination, de couper un petit peu avec tous les vices que j'avais et que je traînais depuis maintenant quelque temps. Si je veux être avocat et si je veux réussir ce marathon, il va falloir que je fasse des sacrifices, avec une alimentation saine. Plus d'alcool. Pas de fête. Pas de fille. Manger de la salade, m'entraîner..."

Le temps passe. Je reviens à Paris après trois mois de vie de moine tibétain. Je passe mon concours, qui se passe plutôt bien. J'attends les résultats, et il y a le marathon de Paris. Mon père m'avait fait la promesse - c'était la première fois - qu'il allait venir à la ligne d'arrivée de la course. J'ai fait ce marathon, qui s'est bien passé jusqu'au trentième kilomètre, où il y a le fameux mur, où alors là, c'est la catastrophe pour vraiment aller au bout. Je pensais à mon père qui était à la fin de la course. Je voulais y arriver. Ç'est ce qui m'a donné la force de terminer la course. Je repensais à ces trois mois de sacrifices "t'as pas fait tout ça pour rien. Faut que t'ailles jusqu'au bout." Et j'ai réussi à aller au bout. Tant bien que mal, j'y arrive. J'arrive à la ligne d'arrivée.
Il y avait toute ma famille, et notamment mon père, qui me regarde l'espace d'une seconde dans les yeux. Je vois qu'il est ému. Pour la première fois de ma vie, je le voyais pleurer, en tout cas pour quelque chose que j'avais accompli. Ça m'a énormément touché.
C'est un souvenir que je n'oublierai jamais. C'est aussi ce qui me motive aujourd'hui à continuer, de voir la reconnaissance d'un père. C'est toujours hyper gratifiant. J'ai une émotion intense qui vient, mais qui me prend aux tripes. J'ai les larmes qui viennent et j'ai envie de m'effondrer. Ça va même plus loin que ça, c'est tout un état qui est assez incroyable. C'est tellement d'émotions. C'est des émotions que t'as envie de revivre. Alors physiquement, c'est très dur. Mentalement, ça demande beaucoup de sacrifices. Le mot "détermination" prend tout son sens. Sur le coup, on se dit "plus jamais !" Mais en réalité, trois jours après, t'as qu'une envie c'est de repartir, même sur une course plus longue. »



Paul: « La première fois, c'était en 2007. Je sortais du cours d'EPS. Un de mes camarades me regarde dans les yeux et me dit "de toute façon Paul, t'es gros, t'arriveras jamais à courir." À ce moment là, je me suis senti vraiment... seul. J'ai ressenti une émotion qui était complètement nouvelle.
J'ai toujours été un peu mal dans ma peau quand j'étais plus jeune. J'étais nul scolairement. J'étais nul dans le sport. J'étais nul avec les filles. Socialement, j'avais des potes, mais ça n'allait pas non plus. Là ça a été le truc de trop. J'ai ce constat de "je suis gros. Qu'est-ce qu'on peut faire maintenant ? Qu'est-ce que je peux faire ?" Je me suis rendu compte que j'étais vraiment le protagoniste de mon corps, et que si j'étais gros, c'était un peu de ma faute. Si j'étais mal dans ma peau, c'était un peu de ma faute. Et du coup je me suis dit "ok Paul, on va changer les choses." On a changé l'alimentation. Je me suis mis au sport. On y est allé petit à petit.
Il y avait vraiment toujours ce sentiment de souffrance, comme si la détermination était vraiment mêlée à la souffrance. Et en fait aujourd'hui, je le sens vraiment. La souffrance n'est pas quelque chose de négatif. Si je veux atteindre ce bonheur, je dois peut-être passer par ce stade-là.

Je me suis enfermé dans cette détermination de vouloir aller toujours plus loin dans la course à pied. Quand je vivais à Marseille, je me levais à cinq heures du matin et j'allais courir. Il n'y avait pas d'autre choix en fait. C'était mon moment, seul avec moi-même. Au bout d'un moment on rentre dans ce cercle vicieux de la détermination. "Ok, je suis capable de faire ça, je vais faire encore plus !" Au final, c'est une sorte d'architecture de pensée, où tout est lié à la détermination.

Bien sûr, je lui en ai voulu, sur le coup, mais en fait... on ne peut pas lui en vouloir. Et ce mec-là, je le remercie, parce que vraiment, c'était un gars qui m'a fait avancer dans ma vie. C'est pas que de la rage en fait, c'est aussi beaucoup de bienveillance avec moi-même, parce que je me laisse pas abattre. Et si je me plante, je me plante, et c'est pas grave. Pour moi, je suis quelqu'un de déterminé, d'obstiné. Je suis dans l'obsession. Je suis peut-être un peu trop dans les émotions, un peu trop dans le "trop", mais derrière... je vis des choses que personne n'a vécues. »

Aurélien et Paul - 5 mecs en balade


Crédit photo : Timothy Eberly

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La détermination incarnée

« La détermination incarnée » par Paul et Aurélien

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