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Aux origines du trouble de la personnalité borderline

J'ai l'impression que tout ce qui m'arrive concerne quelqu'un d'autre, tout près de moi. J'entends, je sens ce qui se passe, mais ce n'est pas vraiment moi.”
Marilyn Monroe

Moi je suis complètement borderline, je ne maîtrise pas mes émotions !”, “J’ai un collègue qui est complètement border, c’est invivable”. Aujourd’hui, il n’est pas rare que le terme “borderline” soit utilisé à tort. Pourtant, bien loin de l’abus de langage, le trouble de la personnalité borderline est bien réel. Qui sont ces écorchés vifs ? Que ressentent-ils vraiment ? On en parle avec Manon Beaudoin, psychologue spécialisée dans la prise en charge du trouble de la personnalité borderline.

Le trouble de la personnalité borderline est à la fois connu et méconnu. Pourtant, entre 2 et 6 % de la population serait concerné. Borderline signifie “à la limite” et ce n’est pas pour rien. 

Aux origines...

1. La vulnérabilité biologique et émotionnelle 
Le trouble borderline trouve son origine dans la génétique. En effet, certaines études ont mis en évidence l’importance des facteurs intra-utérin : “Certaines personnes vont être, dès leur plus jeune âge, extrêmement sensibles aux stimuli émotionnels et vont développer plus facilement de l’hyper-réactivité”, explique Manon Beaudoin. Les émotions seront vécues plus intensément et dureront plus longtemps. Si le trouble borderline trouve ses origines en partie dans la génétique, il arrive pourtant qu’au sein d’une même fratrie, les sensibilités varient, et que chacun ressente et réagisse différemment, au point qu’un seul des enfants ne soit touché par ce trouble. 

2. L’environnement invalidant
Selon la théorie biopsychosociale, un environnement invalidant peut aider à développer un trouble de la personnalité borderline. Cela peut être dû à un environnement familial qui ne valide pas les émotions de l’enfant qui, lui, est extrêmement vulnérable d’un point de vue émotionnel. 

La psychologue développe : “Nous retrouvons plusieurs typologies de familles : contrôlantes et exigeantes, surprotectrices, qui n’encouragent pas l'expression de l’émotion, ou encore celles qui valident l’émotion quand elle est exprimée”. Par exemple, la famille contrôlante et exigeante dira à son enfant qui a peur du noir : “Arrête de pleurer, tu n’es pas un bébé”. Ici, le contrôle génère l’invalidation de la peur de l’enfant. L’enfant, lui, associe cette peur au fait d’être faible. Le parent surprotecteur dira à son enfant qui a peur du noir : “Tu as peur ? Ce n’est rien. Viens dormir avec nous”. Ici aussi, il invalide l’émotion de l’enfant en annulant inconsciemment ce qu’il ressent et l’enfant ne peut pas faire l’apprentissage de son émotion. 

L’invalidation des émotions dans le développement du trouble de la personnalité borderline a un impact énorme sur l’enfant invalidé, qui développera plus facilement une “dysrégulation émotionnelle”. Mais il est important de spécifier que les familles font, très souvent, du mieux qu’elles peuvent. 

3. Les traumatismes 
Ce serait mentir que de dire que les traumatismes (agressions, viols...) n’ont aujourd’hui aucune conséquence sur l’apparition du trouble de la personnalité borderline. “En effet, entre 60 et 75 % des sujets à personnalité borderline auraient subi des traumatismes”, explique Manon Beaudoin. Par ailleurs, les traumatismes liés au harcèlement scolaire, sur Internet ou sur les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans le développement de ce dernier, principalement chez les adolescents. “Toutefois, c’est généralement la transaction entre ces 3 pôles (plutôt composantes) (vulnérabilité biologique et émotionnelle, environnement invalidant et traumatismes) qui génère sur le plus long terme la “dysrégulation émotionnelle” et donc… le trouble de la personnalité borderline”, appuie la spécialiste.

  • Comment savoir si je suis borderline ? Zoom sur les grands pôles de symptômes

Les principaux symptômes ressentis sont :

  • Une instabilité émotionnelle et une instabilité de mon image 
  • Une instabilité comportementale (impulsivité, auto-destruction, tentatives de suicide) 
  • Un instabilité cognitive (difficulté à défusionner des pensées et croyances) 
  • Une instabilité au niveau de mon affect, de mon humeur et de mes relations. 

Les symptômes spécifiques 

Chez une personnalité borderline, l’instabilité émotionnelle est extrêmement présente. Cette dernière s’illustre par des relations intenses et instables, une idéalisation ou dévalorisation des autres et de soi-même, des crises émotionnelles, des relations chaotiques et une peur totale - réelle ou imaginée - de l’abandon. Par exemple, je suis tellement terrifié(e) par l’abandon que je peux être virulent(e) et ne plus être conscient(e) de mes actes. 

La personne borderline est impulsive et prend des risques, que ce soit dans sa sexualité, son rapport à l’argent, aux jeux, à l’alimentation, à sa consommation de drogues... Bref, elle a souvent des comportements auto-destructeurs. Elle prend les critiques à cœur, tout comme ce que pensent les autres. Sa culpabilité est constante. Elle peut passer d’un sentiment de vide à une colère intense. Elle ne tolère pas la frustration et en cas de stress extrême, peut développer une forte paranoïa qui s’accompagne de symptômes dissociatifs. 

Ces symptômes peuvent apparaître dès son plus jeune âge et s’intensifier à l’adolescence, période charnière pour établir un diagnostic. 

  • Si je suis borderline, suis-je aussi hypersensible ? 

Tous les borderlines sont hypersensibles mais tous les hypersensibles ne sont pas forcément borderlines”, insiste Manon Beaudoin. L’hypersensibilité est en lien avec la vulnérabilité émotionnelle. Par exemple, si je suis borderline, je vis toutes les émotions de façon extrêmement intense. Mais à la différence d’un(e) hypersensible, les émotions sont parfois trop puissantes pour une personnalité borderline. Alors, pour y faire face, elle tente parfois d’y mettre fin et de ne plus les écouter. Elle est beaucoup plus impulsive qu’un(e) hypersensible et cherche souvent à être transcendée par ses émotions sans juste-milieu. 

  • Qu’est-ce qui préoccupe le plus une personnalité borderline ? 

Ses émotions ! Tous les moyens sont bons pour les contrôler. Elle a tellement honte d’être qui elle est qu’elle se focalise essentiellement sur l’image et les réactions qu’elle va renvoyer. Elle se préoccupe beaucoup de ce qu’on pense d’elle. Elle peut rentrer dans un “hyper-contrôle” de ses émotions afin de vivre sur mode automatique. Et puis, un jour, ça bascule. Elle ressent beaucoup de honte et de culpabilité. Elle a peur de l’autre, peur qu’on la rejette…

  • Qu’est-ce qui fait du bien à une personnalité borderline ?

1. La validation
Qu’un diagnostic soit posé ! Les années d'errances pour identifier un trouble de la personnalité borderline sont parfois très longues”, raconte notre spécialiste. La personne borderline doit comprendre que tout ce qui lui arrive n’est pas de sa faute. Elle doit aussi comprendre que tout n’est pas noir ou blanc, ça peut aussi être noir et blanc !

2. Un mode de vie équilibré
Pour aller mieux, elle doit apprendre à réduire les facteurs qui la rendent vulnérable, comme la prise de substances, le manque de sommeil, le stress, la nourriture, les jeux...

3. Trouver du sens à sa vie
Travailler sur ses valeurs, ses forces personnelles et mettre en place des objectifs de vie afin de travailler sur le plus long-terme. 

  • Quelles sont les forces d’une personnalité borderline ?

Son empathie et son côté entier ! Ils savent se dépasser. Ils ont une forte capacité de résilience. Ils sont souvent très brillants, comme de nombreuses personnalités qui souffrent du même trouble : Amy Winehouse, Marilyn Monroe…”, ajoute Manon Beaudoin. Par ailleurs, il est important de savoir que ce trouble se stabilise très vite s’il est pris en charge correctement, notamment grâce à ces 3 thérapies : 
  • La thérapie comportementale et dialectique
  • La thérapie basée sur la mentalisation
  • La thérapie des schémas

Conversation avec Manon Beaudoin, psychologue spécialisée dans la prise en charge du trouble de la personnalité borderline, et co-auteure des ouvrages « Sur le fil » et « Faire face au trouble de la personnalité Borderline », parus en 2021.

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