« La colère est nécessaire; on ne triomphe de rien sans elle, si elle ne remplit l’âme, si elle n’échauffe le cœur; elle doit donc nous servir, non comme chef, mais comme soldat. » Aristote
“Tu es trop colérique !”, “Canalise-toi, ça ne sert à rien de se mettre en colère”... Qui n’a jamais entendu ou prononcé l’une de ces phrases ? La colère est un sentiment de base qui se manifeste par un mécontentement. Elle fait suite à une réaction ou à une situation jugée comme mauvaise.
Tout comme la peur, le dégoût, la tristesse, la surprise et la joie… La colère fait partie de ce qu’on appelle les émotions primaires, desquelles découlent l’ensemble des autres émotions. Ces dernières ont été définies dans les années 70, par Paul Elkman, un psychologue américain. Ces émotions primaires sont universelles. Ainsi, que l’on soit en Asie, en Afrique ou en Europe, elles sont présentes et ressenties par toutes les femmes et les hommes, associées à des expressions faciales qui sont, elles aussi, semblables. Elles échappent à toute conscience et ne se contrôlent pas.
Quelle est l’origine de nos émotions ?
Comme le laisse penser à tort la littérature et la poésie, le siège des émotions n’est pas le cœur, mais bel et bien le cerveau ! C’est ce à quoi les neurosciences s’intéressent tout particulièrement depuis plusieurs années. Selon certaines théories, l’homme aurait plusieurs cerveaux émotionnels. Chaque émotion correspondrait donc à un système, lui-même composé de plusieurs unités cérébrales interconnectées. Ainsi, pour chaque émotion, il y aurait un certain nombre d’entités cérébrales qui s’activeraient en étant reliées les unes avec les autres.
Vivre avec les émotions “inconfortables”
Tristesse, colère, anxiété… Les émotions “inconfortables” n’ont jamais eu très bonne presse.
Elles ont tendance à être laissées de côté, jugées par autrui ou pire, à être carrément oubliées. Pourtant, ces émotions “inconfortables” sont fondamentales pour l’homme. Elles pourraient être comparées à un système d’alarme, puisque c’est grâce à ces dernières que l’homme parvient à comprendre qu’il traverse quelque chose d’anormal. Il est donc de la plus haute importance, pour notre santé physique et mentale, de savoir les reconnaître.
Chacun de nous exprime ses émotions “inconfortables” de façon différente. Certains disent ne jamais ressentir la colère, l’anxiété ou la tristesse. Ces personnes sont, en réalité, des sujets qui tiennent leurs émotions à distance. Selon le modèle éducatif que l’on a reçu enfant, la perception et la gestion des émotions est différente. À contrario, il existe des femmes et hommes qui se décrivent volontiers comme étant très colériques ou stressés. En réalité, peu importe de quelle “team” vous faites partie. L’important est simplement de savoir accueillir l'émotion “inconfortable”, et de la nommer sans complexe ni détachement.
Les émotions “inconfortables” comme la colère ont de réels bienfaits, puisqu’au-delà de la prévention d’un danger, elles nous sont utiles pour être en accord avec nos besoins primaires et nos valeurs de base.
On pourrait imaginer les émotions comme les voyants d’une voiture. On peut rouler sans y faire attention, mais la voiture finira toujours pas caler ou pire, tomber en panne. L’émotion, elle, parviendra toujours à se frayer un chemin. Ne pas faire attention à elle, c’est ne pas faire attention à soi.
Qu’est-ce qui déclenche la colère ?
La réception de la colère varie d’une personne à une autre. En effet, nous avons tous des filtres, une culture, une éducation et un prisme différents, aux travers desquels nous percevons la réalité. Par exemple, si l’on met 100 personnes devant une situation, il est fort à parier qu’aucune ne réagira de la même manière.
Dans un second temps, il est préférable de se questionner sur ce qui a déclenché notre colère. Une émotion “inconfortable” comme la colère n’est jamais présente sans raison. En effet, les émotions sont indispensables pour nous informer sur ce qu’il se passe dans notre environnement. Ce sont elles qui nous relient à nos besoins et nous indiquent ce qu’on ressent réellement au plus profond de nous-même.
Quand on ressent de la colère, c’est le signe que l’un de nos besoins fondamentaux est contrarié. En psychologie, c’est la légendaire - et non moins célèbre - pyramide de Maslow qui catégorise et régit les besoins humains :
- Les besoins physiologiques ;
- Le besoin d’estime ;
- Le besoin de sécurité ;
- Le besoin d’appartenance ;
- Le besoin de s’accomplir ;
Mais alors, est-ce que ça fait du bien d’exprimer sa colère ?
Vous vous en doutez, la réponse est oui ! Si la colère est exprimée avec de la communication et sans agressivité envers l’autre, alors c’est un acte productif.
D’une façon ou d’une autre, il est indispensable de laisser circuler et vivre les émotions “inconfortables”. Ces dernières peuvent nous effrayer, certes, mais elles sont uniquement présentes pour nous protéger. L’humanité aurait-elle survécu si elle s’était interdite de ressentir la colère ou la peur ? Car si l’on remonte à l’époque des hommes préhistoriques, il ne serait pas illogique de penser que la peur a permis de se protéger des mammouths par exemple, ou que la colère fut utile pour lutter contre des tribus adverses.
Il est donc important de cultiver ses émotions, de les accueillir, de les nommer et de réfléchir à les transformer pour en faire la chose qui sera la plus juste et la plus saine pour nous. Soyons bienveillants envers ces dernières car elles sont nos meilleures alliées du quotidien et nous tiennent en vie.
Conversation sur la colère et les émotions inconfortables avec le Dr. Estelle Guigné, psychiatre en thérapies cognitives et comportementales (TCC).