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La tête dans les fleurs

« Mais qu'est-ce que la beauté ? C'est une nouvelle aptitude à vous donner du plaisir. » Stendhal

« La première fois que j'ai compris la beauté de l'Opéra, c'était étonnamment avec ma grand-mère quand j'étais gamin. On se baladait dans Paris, et je suis arrivé devant le monument. Je me suis pris en pleine face la grandeur et la beauté qui émanaient de ce lieu. C'est époustouflant ! Et c'est un truc qui m'est vraiment resté, de me dire « Il se passe quoi là-dedans ? » Et quand ma grand-mère m'a dit « C'est là où ils chantent et ils dansent », j'ai trouvé ça encore plus beau qu'il y ait un lieu dédié à cet art. J'ai trouvé ça incroyable ! Alors qu'à cet âge là généralement, on s'en fout des monuments...

Quand je suis devenu fleuriste, je me suis toujours dit « Un jour, j'associerai ces deux beautés-là, deux passions que j'ai, pour le lieu et les fleurs. » Et quand un jour on m'a proposé de décorer l'Opéra Garnier, je me suis dit « Fonce ». J'étais transcendé... « Tu vas enfin accéder à ce lieu mythique qui te fait rêver depuis tes 8 ans ». Je n'étais jamais rentré dedans...

Tu rentres, et t'es... hors du temps. Moi, ça m'a fait vriller. Je me suis dit « Je suis plus à Paris, je suis plus fleuriste ». T'as des choses magnifiques partout à regarder : les sculptures, les finitions de dorures, les meubles... Tout, tout est incroyable. Et ça m'a pris aux tripes, vraiment, de me dire « Un lieu peut choquer quelqu'un, mais choquer dans le positif ». Je pense que personne ne peut se dire « C'est banal ». Pour moi, la beauté d'une fleur c'est incroyable, plus la beauté d'un lieu mythique comme ça, je pouvais qu'être excité.

Et après, c'est là où vient le moment où il faut commencer à travailler. Et du coup, faut éclipser le côté où t'es impressionné par le lieu. Tu vas créer un décor pour juste une soirée éphémère. Tu vas te consacrer à ton art, donc là en l'occurrence l'art floral, pour associer deux choses que tu trouves les plus belles. J'avais la pression de me dire « Il faut qu'on fasse un décor à la hauteur du lieu. »

On a commencé à travailler à 22h - 23h, à déambuler dans l'opéra. Je mettais mes roses, mes hortensias, mes pivoines... En train de décorer tout ça petit à petit. T'as une sorte de chemin de feuillage et plein de fleurs un peu odorantes, qui s'épanouissent tranquillement. T'as tout, t'as plein d'odeurs différentes, entre les pois de senteur, les roses odorantes, plein de textures... Et pendant tout le long, j'ai pensé à ma grand-mère.

Tu recrées un jardin dans l'Opéra de Paris, qui est encore plus beau que dans tes attentes.
Et tu te dis « C'est moi qui ai fait ça »... J'aurais trop vu une sorte de petite fée qui sort entre les fleurs, et qui se dit « Ah tiens, c'est cool ! ».

Un de mes plus beaux décors que j'ai fait à Paris. Je m'estime clairement chanceux. Je pense que dans les fleuristes que je connais, on n'est pas beaucoup à avoir pu décorer l'Opéra Garnier. Les lieux comme ça sont faits pour accueillir l'art à plein de niveaux différents.

Tu reviens la nuit pour faire l'inverse de ce que tu as fait, pour, re-laisser la beauté ou le charme naturel de l'opéra, tel qu'il était avant que toi t'y mettes ta patte.
Quand ça s'est arrêté, je me suis dit « C'est triste de quitter un lieu qui te parle autant ».

On aurait voulu que les fleurs restent là tout le temps. »

Cyril Gluzman


Crédit photo : Kelly Jean


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La tête dans les fleurs

"La tête dans les fleurs" par Cyril Gluzman

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