« Parfois les pleurs ont la vertu de l’éloquence. » Ovide
Puis, il y a eu un grand brouillard dans ma tête et mille et une questions qui sont venues en même temps. Sur ma vie, sur mon parcours, sur mon boulot, mes amis, l'espace dans lequel j'étais, sur les fenêtres de mon appartement... C'est juste un détail, mais c'était des petites fenêtres, et c'est quelque chose qui m'énervait beaucoup, que ces fenêtres soient aussi petites. Parfois, je me disais « Mais comment est-ce qu'on peut construire un espace avec d'aussi petites fenêtres ? »
Je me posais toutes ces questions là, qui n'avaient aucun sens, qui venaient et que je ne comprenais pas. Et je me suis mis à pleurer devant tout le monde sans pouvoir m'arrêter. Je ne pleurais pas pour une raison particulière. Je me sentais tellement impuissant et je voulais juste que ça s'arrête. Évidemment, ça a créé un moment de malaise... J'avais hyper honte.
Un ami m'a dit un truc... Il m'a dit « Enfin ! » Genre une sorte de soulagement. Je ne suis pas quelqu'un qui partage énormément de choses avec mes amis, même si on parle beaucoup. Il y a des choses que je préfère garder pour moi et écrire ou dessiner dessus. C'est comme ça que j'arrive à traiter mes angoisses ou mes questionnements. Je ne voulais pas mettre les gens mal à l'aise. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Je voulais juste que la soirée continue. J'étais en colère contre moi-même sur le moment, parce que je me disais « Qu'est-ce que t'es en train de foutre ? Pourquoi tu t'affiches comme ça ? »Je me disais« Mais pourquoi maintenant ? Genre tout se passe bien...» Quand je suis seul ou quand il y a personne, je pleure pas tu vois.
Aujourd'hui, quand je réfléchis à cette époque là, je sais que j'étais peut-être trop dans ma coquille. Il y avait encore plein de choses qui me faisaient peur. Je me mettais encore plein de freins et c'est juste mon cerveau qui a décidé qu'il fallait relâcher un peu.
Parfois, même les gens qu'on aime le plus n'arrivent pas à nous comprendre.
Est-ce que c'était un appel à l'aide ? Je ne sais pas.
Je ne sais pas si c'est à partir de ce moment-là que mes potes ont commencé à me voir comme quelqu'un d'extrêmement sensible. Et justement, j'ai l'impression qu'à côté de la sensibilité que je peux avoir, je me considère comme quelqu'un de plutôt fort.
De toute façon, ça a toujours été quelque chose quand même qui m'a suivi depuis mon enfance. Il y a toujours eu une sorte de volonté d'être à la hauteur. Il y a toujours aussi une sorte de pression de « Tu dois être fort. Tu dois être un homme. Tu dois être courageux et ne pas te laisser dépasser par des émotions. » On m'a souvent, quand j'étais petit, interdit de pleurer.
Je crois que c'était même la première fois qu'ils me voyaient pleurer. Il y a une pote qui est venue, m'a pris dans ses bras... et on a ri. Et sur le moment, malgré le fait qu'on rigolait, je savais que, eux, avaient sûrement un peu de peine pour moi, et ça c'était... quelque chose qui était un peu dur à vivre. On n’en a jamais re-parlé...
Ce qui me faisait peur aussi, je crois que c'était le fait qu'ils voient quelque chose que je ne voyais pas. Parce que j'avais l'impression que les choses allaient... plutôt bien malgré tout.
Depuis cette fois-là, j'ai l'impression que mes potes s'intéressent un peu plus à certaines choses, dans ma manière de voir le monde et ma manière de créer aussi. Ils essayaient de faire un peu attention à moi comme si j'allais mal. Moi même, Je me suis rendu compte qu'il fallait que je me pose, qu'il fallait que je prenne plus plaisir à faire tout ce que je fais dans la vie et à moins me mettre la pression sur la création, sur mes relations, sur tout ce qui nous entoure…
Prendre les choses moins à coeur, m'amuser plus.
Je sais pas où je vais, je m'en fous, je suis en train de kiffer pour l'instant. Je retrouve de plus en plus de plaisir à écrire dans la liberté, à dessiner dans la liberté.
Le brouillard que j'avais ressenti à ce moment-là... est beaucoup moins présent. Il arrive parfois des moments évidemment où je revois ça, mais... j'ai de moins en moins honte dans la vie.
Est-ce que je suis fier de moi ? Je vais sûrement l'être bientôt.
ÂA
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