« On dit toujours qu'on se construit sur du solide, moi je ne crois pas, on se construit sur une faille, on se construit sur du cassé, on se construit sur une faillite. »
Delphine Horvilleur
« La dernière fois que j’ai ressenti de l’angoisse, c’était il y a très exactement 2,3 secondes avant d’ouvrir ma petite gueule pour réciter ce texte. »
Et alors quels sont les symptômes qui accompagnent ces moments d’angoisses ?
« Et bien tous, mes amis ! Moi je ne choisis pas, je prends tout le menu. Je veux tous les chevaliers de l’apocalypse. La gorge sèche, les mains moites, les jambes qui tremblent, la tête qui tourne, qui chauffe, qui fond, se liquéfie et reste à faire « glouglou » dans ma boîte crânienne. Ne cherchez pas, j’ai eu tous les symptômes répertoriés par Doctissimo. Bien sûr, à des niveaux très différents selon les jours, allant de la petite accélération cardiaque, jusqu’au grand désespoir. »
Tout ceci étant dit, que peut-on faire ?
« Fuir n’est pas une option. On ne fuit pas de soi-même voyez-vous, bien que j’y ai pensé, croyez-moi !
Non, finalement, après des années d’expériences qui valident le constat que je vous présente ici, je crois qu’il y a deux options : la chimie et la vôtre.
La chimie s’appelle Lexomyl ou Xanax, pour des solutions d’urgence. Ou bien Zoloft ou Deroxat, pour des solutions plus long-termistes.
Mais ce ne sont que des béquilles, des béquilles bien utiles parfois, bien salutaires, n’ayez pas honte ni peur de donner votre corps à la science, elle n’a pas fait que des mauvaises choses depuis l’invention de la roue.
Mais apprenez aussi à utiliser vos forces, c’est votre deuxième option et elle dépend de vous, de ce qui peut occuper votre esprit, le détourner de la douleur psychique.
Personnellement, j’aime occuper mon esprit tourbillonnant et court-circuité en l’astreignant avec discipline à l’apprentissage de concepts éclairants.
Prenons Descartes par exemple, il a fait du doute une méthode de raisonnement, un chemin méthodique qui mène à une vérité supérieure. Avouez, qu’apprendre que le doute peut nous servir à réfléchir et à progresser, c’est une idée sympathique pour un angoissé non ? »
Et il y a du positif là-dedans !
« Tout a une fonction dans ce monde, même ce supplice qui, je sais, vous torture. J’ai ressenti cette souffrance à un moment de ma vie où je ne savais pas quoi en faire, alors l’angoisse s’est muée en conseillère d’orientation. Pas du genre sympathique hein, pas du genre à me demander gentiment ce qui me plairait de faire en me tapotant le dos et me servant des biscuits et un café au lait. Non, la mienne est plutôt du genre vieille acariâtre moustachue et sadique qui vous punit à coup de règles.
Mais elle m’a aidé... Cette souffrance m’a fait penser que je devais changer de vie, que je devais m’orienter vers un métier plus créatif, dans lequel aujourd’hui, je m'épanouis davantage, dans lequel je suis heureux. La conseillère est toujours là, et veille de son regard perçant, mais je crois qu’elle a cassé sa règle sur ma tête, alors elle me fait beaucoup moins peur aujourd’hui. »
Je sens que vous voulez savoir qu’elle est la chose la plus étrange que j’ai pu faire durant ces moments d’angoisse...
« Epineuse question, diablement personnelle. Personnelle à ce point que je ne pourrais y répondre avec l’entière extension d’honnêteté que je voudrais, mais je peux néanmoins dire qu’il fût un temps où je ne sortais plus de chez moi. J’avais circonscrit ma vie à un pâté de maison. Pas de métro, pas de train, ni de voiture, rien. J’étais à mon quartier attaché. C’était étrange avouez, peu viable surtout, à moins d’être un lampadaire ou un kiosque à journaux. Mais j’en suis sorti. »
Et alors que sait-on sur ce sujet ?
« Oh beaucoup, beaucoup plus qu’on ne peut l’imaginer. Nous ne sommes jamais les premiers à vivre quoi que ce soit. Alors parlez-en. Allez voir un psy, lacanien, freudien, peu importe. Verbalisez, expectorez, faite votre catharsis, ça aide, ça aide beaucoup. »
Comment peut-on rire de tout ça ?
« Je voudrais vous répondre par une autre question. Comment peut-on faire autrement ? Vous fabriquez vous-même la souffrance qui vous torture, avouons que c’est drôle, que c’est ridicule même. Mais gardez à l’esprit que tout finit par mieux aller, et comme on le sait si bien, le ridicule ne tue pas. »
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