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Dans la tête des fans

Si j’existe. Ma vie, c’est d’être fan. C’est d’être fan. Sans répit, jour et nuit...” chantait Pascal Obispo dans son célèbre titre “Fan”. La “fan attitude” n’est pas une maladie. “C’est une passion très courante. Une passion intrinsèque à l’être humain qui prouve que nous avons tous besoin d’admirer”, explique Clément Guillet. 

Ce besoin d’admiration prend généralement racine à l’adolescence. À cette période, l’adolescent(e) a un besoin presque vital de se différencier de ses parents et cherche des modèles d’identification alternatifs à sa famille. “Bien souvent, l’adolescent(e) va s’orienter vers des modèles proposés par le "star-système" : des personnes qui peuvent ressembler à un père, un frère, une sœur, un amant fantasmé...” précise Clément Guillet.

Tous fans, mais tous différents ?

Mais qui est vraiment le fan ? Le fan est une personne qui va s’engager de façon importante - parfois même excessive - en termes de temps, d’argent et d’affect dans sa passion pour la star. Cependant, chaque fan est différent. Ce besoin d’admiration n’est pas nouveau. Au 19ème siècle déjà, on retrouvait des fans à la sortie des opéras. Aujourd’hui, entre le "star-système", les médias, Internet et les réseaux sociaux, le phénomène de “fan attitude” ne fait qu’amplifier. 

On peut classer les fans selon plusieurs catégories :

  • La groupie, qui cherche le contact quasi charnel avec sa star
  • Le collectionneur, qui collectionne de façon compulsive toutes les choses en lien avec sa star
  • L'imitateur, qui cherche, parfois à l’excès, à ressembler à sa star
  • L'érudit, qui connaît tout
  • Le fan créateur, qui va par exemple monter un groupe en hommage à sa star ou choisir le même métier qu’elle

Clément Guillet ajoute : “on remarque également que ces catégories diffèrent parfois selon le rang social. Le fan érudit a une manière plus “bourgeoise” d’être fan que le collectionneur ou la groupie”. Par ailleurs, le fan ne restera pas le même tout au long de sa vie. “Certains fans de Johnny Hallyday me racontaient que - plus jeunes - ils avaient été une groupie, un collectionneur, un imitateur et qu’à l’âge adulte, ils avaient préféré adopter une attitude plus esthète ou d’érudit".

De fan à érotomane 

Il n’y a aucun lien entre un fan et un érotomane !”, insiste le spécialiste. L’érotomanie est une maladie psychiatrique, rare et grave, où le sujet est hors de la réalité. Ce dernier est persuadé qu’une autre personne est amoureuse de lui, jusqu’à rentrer dans une folie délirante. Un fan, lui, sait très bien que la star ne le connaît pas et qu’elle n’est pas amoureuse de lui : “en revanche, il est vrai que certains fans peuvent avoir un comportement acharné et hors de la légalité. Ils sont cependant conscients qu’ils transgressent quelque chose et c’est ce qui les différencie des érotomanes”, témoigne Clément Guillet.

Pleurer, être amoureux ou en deuil : jusqu’où peut aller la “fan attitude” ?

Mais alors, comment en vient-on à pleurer, à se suicider ou même à se comporter de façon agressive pour une star ? Pour le fan, la star est un proche, un être aimé : “certains fans m’ont déjà dit qu’ils connaissaient mieux Johnny que leurs amis. D’autres ont été hospitalisés car ils avaient tenté de se suicider après sa mort”, raconte Clément Guillet. 

En effet, la mort d’une star peut entraîner chez le fan une véritable perte de sens dans sa vie. Preuve que les relations parasociales (relations que l’on tisse à travers les médias) ont une importance capitale. Le fan vit sa relation avec la star comme une véritable relation, ni plus ni moins : la star est un ami, un père, une sœur, un amant fantasmé...

D’ailleurs, lorsqu’une star se suicide, on remarque généralement un rebond des suicides dans la population générale : “c’est ce qu’on appelle l’effet Werther. Dans ces suicides, certains sont des fans. D’autres sont simplement des personnes influencées qui agissent par mimétisme. Quand l’acteur Robin Williams s’est suicidé, il y a eu un rebond des suicides par pendaison”, dévoile le psychologue.

Les passions des fans ne sont pas à prendre à la légère. Il peuvent parfois conduire à des agressions, harcèlement ou meurtre, comme pour l’assassinat de John Lennon par Mark David Chapman. Pour autant, ces comportements ne résument pas le phénomène des fans. La plupart vivent leur passion de façon plus discrète, et sans débordement.

Conversation avec Clément Guillet, médecin psychiatre, journaliste et auteur de Sociologie du fan

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