Le blog de Stream Affect

Qui sont vraiment ces personnes qui procrastinent ?

« Ne remettez au lendemain que ce que vous êtes enclin à avoir laissé inachevé à votre mort. » Pablo Picasso

Remplir sa déclaration d’impôts, changer cette ampoule qui n’éclaire plus rien, renouveler son passeport périmé qui ne demande qu’à découvrir le monde ou trier ce tas de fringues qui encombre notre armoire...
Si vous êtes de ceux qui procrastinent, cette liste de tâches non accomplies vous parle sûrement. Mais pourquoi certaines personnes remettent toujours tout au lendemain ? 

Portrait du procrastinateur 

La procrastination est un terme utilisé en psychologie pour décrire une personne qui reporte toutes ses tâches et activités prioritaires au lendemain, en les remplaçant par des activités moins importantes. Évidemment, ça, on l’a tous fait au moins une fois. Mais alors, quelle est la véritable particularité du procrastinateur autre que ne pas faire sa vaisselle ou signer un papier de la plus haute importance ? Ce trouble est-il préjudiciable pour lui ? Est-il perturbé d’un point de vue émotionnel ?
Albert Ellis, psychologue américain et spécialiste du sujet, a identifié 3 croyances chez les personnes procrastinatrices :

1. Une peur liée à l’intolérance à la frustration

« Croyant que les choses doivent être faciles et que vous ne pouvez pas supporter le fait qu’elles soient difficiles, il vaut mieux procrastiner que de souffrir de la frustration immédiate nécessaire à l’atteinte d’objectifs à long terme. »

Voilà les croyances des profils indisciplinés et intolérants aux frustrations :

  • Je le ferai ce soir, je n’ai pas à m’inquiéter
  • Je suis très bon(ne) pour faire les choses à la dernière minute, je n’ai pas à m’inquiéter
  • Si je ne pense plus à ce travail, je n’aurai plus à m’en inquiéter
  • J’ai besoin de m’amuser avant de m’y mettre
  • Je ne m’y mettrai pas avant de m’être détendu(e)
  • Je suis trop stressé(e) pour travailler maintenant
  • Je ne suis pas performant(e) avant une certaine heure (donc je ne commence pas maintenant)
  • Je ne peux pas travailler sans … une personne particulière, un environnement particulier…

2. Une peur liée à l’auto dépréciation

« Croyant que vous devez bien faire et que si n’est pas le cas vous n’êtes pas bon, il vaut mieux procrastiner et ne rien faire plutôt que de risquer un possible échec. C’est-à-dire qu’il vaut mieux procrastiner que de risquer de découvrir que vous êtes sans valeur. »

Voici les croyances des profils à faible estime de soi :

  • Je n’ai aucune chance d’y arriver
  • Il est trop tard pour y arriver
  • Je n’arriverai jamais à satisfaire mes attentes ou les attentes de l’autre, alors à quoi bon ?
  • Je ne suis pas assez bon(ne)
  • Je suis trop fatigué(e), alors à quoi bon ?
  • Je suis trop stressé(e) pour y arriver
  • Je suis trop nul(le) pour faire ce travail
  • J’ai raté tellement d’occasions jusqu’à présent, alors à quoi bon ?
  • Les gens comme moi (âge, sexe, ….) ne peuvent pas y arriver

3. Une peur liée à l’hostilité

« Croyant que tout le monde en général et les autres en particulier devraient être justes et loyaux et bien vous traiter, alors, s’ils ne le font pas, vous ne ferez pas d’efforts et vous le leur montrerez en procrastinant ou en  faisant de travers. »


Le cycle de la procrastination selon Albert Ellis


Les personnes procrastinatrices sont adeptes de ce qu’on pourrait appeler le “report éternel”. Problème de taille : le report appelle le report. Pourquoi ? Tout simplement parce que les conséquences favorables immédiates de la procrastination l’emportent sur les effets, long terme, qui eux sont pourtant défavorables. La procrastination s'auto-entretient car elle permet d’échapper à la frustration. Augmenter les conséquences positives à court terme d’une action jusque-là reportée est plus efficace que d’agiter le spectre des conséquences négatives à long terme.

Le procrastinateur a-t-il peur de l’échec ?

Les procrastinateurs ont généralement une estime d’eux très faible. Cette dernière les pousse à utiliser la stratégie de l’auto-handicap. Autrement dit, procrastiner et se créer des obstacles afin de rendre ambigües les implications évaluatives de la performance. Ainsi, en cas d’échec, on ne peut pas juger. Et en cas de succès, le mérite est encore plus grand. Plutôt malin, non ?

Par exemple, si je ne travaille pas mon examen (procrastination et auto-handicap) et que j’échoue, c’est parce que je n’ai pas travaillé et non pas que je ne suis pas capable. Si je réussis sans avoir travaillé, alors c’est que je suis très fort. 

C’est une parade contre la responsabilité de l’échec. En effet, il est parfois préférable de passer pour un “fainéant”, image sociale plus acceptable, que celle d’être un incapable.

Le procrastinateur est-il un grand perfectionniste ?

Les procrastinateurs sont souvent perfectionnistes. L’inconfort de ne pas faire parfaitement et d’être jugé socialement peut pousser à procrastiner. Il vaut mieux ne rien faire que de faire mal. Oui, mais à apprendre sans échouer, on échoue à apprendre !

Le comportement « passif-agressif » par exemple, qui consiste à dire « oui », et faire « non », se retrouve dans ce profil procrastinateur. Plutôt que d’assumer un « non » et les conséquences immédiates de frustrer l’autre, le procrastinateur dira « oui » immédiatement et « non » plus tard. Il s’agit ici d’un manque d’affirmation de soi, d’assertivité. 

Il faut se souvenir que dire « non » aux autres, c’est dire « oui » à soi !

La procrastination peut être une manifestation d’hostilité, mais bien souvent, il s’agit simplement de la rationalisation d’un comportement d’évitement de la frustration ou de protection de l’estime de soi, dont nous avons déjà parlé.

S’il y a des différences entre les procrastinateurs, ils partagent cependant des points communs :
  • Une surestimation du temps restant pour réaliser une tâche ;
  • Une sous-estimation du temps nécessaire pour réaliser une tâche
  • Une surestimation de l’état de motivation future : « plus tard, je me sentirai plus motivé(e) pour le faire… »
  • Une croyance qu ’il faut se sentir émotionnellement en phase avec la tâche à réaliser pour la mener à bien : « on ne devrait travailler que lorsque l’on se sent de le faire »
  • Une croyance que travailler lorsque l’on n’y est pas disposé est improductif : « ça ne donne jamais rien de bon de travailler si on n’est pas motivé. »

Finalement, il est important de garder en tête que la procrastination ne dit pas grand chose de ce que nous sommes. Il est capital de ne pas en faire un point d’identité ou un trait de caractère même si les autres auront tendance à nous le rappeler. Bien souvent, l'indiscipline mène à la procrastination qui génère une baisse d’estime par augmentation de nos échecs et de nos réussites. Mais alors, comment changer les choses ? En commençant par un peu de discipline. 
La réussite est corrélée à l’effort et celle-ci ne tardera pas à se présenter. Car comme le rappelle si bien Oscar Wilde : « Je ne remets jamais au lendemain, ce que je peux faire le surlendemain ».
Place aux experts