Le blog de Stream Affect

« Mon corps, cet allié... »

« Notre corps physique possède une sagesse qui fait défaut à celui qui l’habite. » Henry Miller

« Je suis professeur de mouvements, donc j'ai une relation assez particulière avec mon corps. C'est parfois un outil de frustration, de complexe. Mon feed Instagram est rempli de gens qui font des trucs de ouf, comme des tractions à un bras ou des équilibres sur une main, que je ne suis pas encore capable de réussir.

Cette relation a un peu changé, un jour en particulier, où je devais pratiquer avec d'autres professeurs de mouvements. On ne s'était jamais rencontrés. Ils sont venus à Paris, et on s'est dit que ce serait cool de s'entraîner ensemble.

Et à ce moment-là, je préparais un mouvement qui s'appelle "la montée en force". C'est un mouvement d'équilibre sur les mains, où tu pars en étant debout, tu viens poser tes mains au sol. Et en poussant sur tes mains, tu vas lever tes jambes, pour finir en équilibre en poirier. C'est un mouvement qui me faisait rêver depuis des années et que j'ai toujours voulu pratiquer. Et à ce moment-là, j'étais vraiment en train de me focaliser sur ce truc, et j'étais assez frustré parce que je sentais que je n'arrivais pas à progresser. Je ne comprenais pas pourquoi mon corps ne m'aidait pas plus à réaliser cette progression.

Je savais que les mecs avec qui j'allais m'entraîner, c'était un mouvement qu'ils maîtrisaient bien. Du coup, en abordant cette séance, j'étais un petit peu complexé.

On a commencé la séance, et au moment où on s'est dit "on va justement travailler ce mouvement de montée en force", je leur montre un petit peu où j'en suis en termes de progression et là les mecs me disent "non mais c'est sur que tu peux y arriver en fait". Le fait d'avoir la perspective de quelqu'un d'autre sur mon corps, sur la manière dont je l'utilisais, m'a permis d'adopter un autre regard, qui était peut-être moins critique que celui que je portais sur moi-même. Et j'ai éteint la petite voix qu'il y avait dans ma tête, qui me disait "non, tu ne peux pas encore, tu n'es pas prêt". J'ai écouté la voix de ces gens qui étaient là pour m'encourager. J'ai poussé sur mes mains... et c'est monté tout seul. Et le pire, c'est que je n'ai pas réussi une fois ce jour-là, mais j'en ai fait 10 sans problème ! Je suis rentré, j'étais tellement fier d'avoir enfin réussi ce mouvement, de sentir que mon corps n'était plus cet obstacle qui m'empêchait d'atteindre ce mouvement, cette montée en force, mais était devenu un allié.

Et une fois de plus, je me suis rendu compte que les limitations physiques qu'on a, ne sont pas figées, et que la perception qu'on a de notre corps aujourd'hui peut changer. Parfois, il suffit d'un rien. Il y a des jours sur des acrobaties, où je suis en forme, ça passe super bien. Et puis la séance d'après, beaucoup plus galère, t'as l'impression de repartir en arrière. Mais le fait de déjà être passé par là, ça donne une connaissance sur toi-même, sur ton corps, sur la manière dont il réagit. Sur ton esprit aussi, la manière dont tu vas te positionner par rapport à l'échec.
Maintenant, je prends beaucoup plus de recul par rapport à ça. Je fais confiance à mon corps et à son intelligence, et je sais que progressivement, je peux m'approprier des mouvements qui sont beaucoup plus complexes. »

Martin Haas


Crédit photo : Ferran Feixas

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Mon corps cet allié...

« Mon corps, cet allié... » par Martin Haas

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