« Chez n'importe quel homme, il reste toujours une part de gentillesse et de pureté. Ce n'est que quand il a perdu ça qu'il a tout perdu. » Francis Ford Coppola
Je trouve que la bienveillance est l'arme la plus forte. Souvent on parle d'amour aussi, c'est vrai, mais pour être plus précis, je trouve que la bienveillance et la gentillesse sont porteurs d'une énergie qui permettent de rompre avec les carcans dans lesquels la société nous enferme.
Quelqu'un qui va te frapper ou qui va avoir un acte plutôt violent à ton égard, je trouve que c'est une personne qui, déjà dit qu'elle ne va pas bien. Si tu me mets une claque, je ne vais pas tendre l'autre joue mais je vais essayer de chercher à comprendre, je ne vais pas me braquer et te répondre par une claque.
Donc au final, je vais essayer de voir - avec ma patience et aussi mes limites - pourquoi, et on va essayer de résoudre ça. Mais je trouve que c'est plus noble, et aussi plus dur, de se laisser porter par la gentillesse.
Il y a cette fameuse maxime "trop gentil, trop con" qui est horrible, parce qu’ils ne parlent pas de gentillesse, ils parlent de “se laisser berner” ! Ce n'est pas seulement de la naïveté, cette personne en face est très persuasive.
Je suis en famille, on va dans le sud en voiture, on s'arrête sur une aire d'autoroute et on rencontre un mec... qui vient nous voir, qui nous dit qu'il est dans une galère, qu'il a besoin de sous. Il est avec son petit. En fait, il a perdu ses papiers. Sa voiture est là. Il y avait son enfant. Donc je le crois. Il nous a bien flattés. Il nous a assuré qu'il nous rembourserait - c’est surtout ça parce qu'on n'a pas de sous. Donc on va à une tirette. Et là où je n'ai pas voulu voir. J'ai voulu me laisser berner, c'est qu'il me demande 110 euros. On arrive à la tirette, il me dit "tu peux sortir 200". Donc déjà, ça aurait dû me mettre en alerte. Je lui dis "mais je ne peux pas". Pour le coup je mets la carte et ça passe pas. 90 passent. Je lui sors et je lui donne. Déjà quand il les prend, il les prend très vite. Et puis après on continue de discuter. Il m'avait donné son numéro de téléphone. “Je t'appelle nanani nanana…” J'arrive dans la voiture et j'ai comme un goût amer. Je regarde sur Internet "arnaques sur les aires d'autoroute". L'arnaque ressort. On sort de la voiture, on va voir ce monsieur. Je lui montre l'article que j'ai vu sur Internet. Il me dit "non non ca c'est pas moi. Ça n'a rien à voir". Il me rassure, il me dit "regarde ma femme est derrière". Il y avait effectivement sa femme et un autre enfant. Il rentre dans sa voiture. Il démarre tranquillement et il me salue, il me dit "t'inquiète pas, je t'appelle Edgar". Evidemment, il ne m'a jamais rappelé. Je m'en suis voulu ! Quelqu'un vient me parler, me demande quoi que ce soit, je suis fermé comme une porte de prison. Il y a pas moyen, je ne laisse rien passer - c'est ce qu'on s'est dit !
Et puis, en réfléchissant, j'ai dit "Mais non. Moi, j'avais des signes. J'aurais très bien pu partir, avant de lui donner l'argent.” Donc si tu as des signes, entends ces signes-là. Et lui, c'était un professionnel, donc il a su activer en moi une forme d'empathie qui a fait qu'on lui a donné. Donc c'est plutôt noble finalement.
Faire attention, ça ne veut pas dire “tout fermer”. Je suis très content d'avoir réagi comme j'ai fait, et pour la suite, je continuerai d'être à l'écoute des gens et si je peux donner, je donne. Si je ne peux pas donner, je ne donne pas. Alors que beaucoup te diraient "tu t'es fait avoir. Il ne faut pas donner etc..." Donc voilà, on ferme, on ferme on ferme. On n'accueille pas !
Je cultive la naïveté pour le coup, et la gentillesse. Je pense que la gentillesse est quelque chose de difficile, mais qui te permet d'avoir des réflexions sur toi. C'est très dur dans la société dans laquelle on est je trouve, parce que justement, il y a la peur. Peur de décevoir, peur de ne pas être au niveau... Parce que la gentillesse justement, enlève ces peurs-là. Elle est dans l'accueil la gentillesse. Donc il faut être gentil avec soi-même, gentil avec les autres et essayer de réfléchir à pourquoi on s'est fait berner. Si je n'avais pas un peu de gentillesse envers moi-même et donc aussi de l'humour ! Parce que la gentillesse permet l'humour, du coup on en a ri après. T'as envie de te fermer parce que c'est un effort, la générosité. Mais moi, c'est ce qui me permet d'être à l'aise avec moi-même...
Edgar Sekloka
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