Friedrich Nietzsche
« J'ai toujours eu cette passion et cette envie de grimper depuis tout petit. J'étais inspiré par des films, cette espèce de manière de s'affranchir de facteurs extérieurs et de maîtriser la situation qu'avec soi. C'est ça qui me fascinait. J'ai dit à mon père que je voulais être “cascadeur de grimpe sans corde”. J'ai découvert le parcours et j'ai tout de suite fait écho à Alain Robert, et même de manière générale à mes rêves d'enfance.
Mon entourage a peur. Je comprends tout à fait parce que justement, le cœur de ma vision, en tout cas de ma pratique, c'est que tant que c'est moi qui fais, tant que je contrôle, tant que je sais ce qui se passe, je suis en confiance. Par contre, si je vois quelqu'un d'autre grimper comme ça sans corde, là c'est tout l'inverse, parce que je suis plus du tout dans le contrôle de ce qui se passe. Je pourrais paniquer pour quelqu'un d'autre qui grimpe. Donc je comprends tout à fait ma famille qui me voit grimper, impuissante, sans avoir aucun levier d'action sur ce qui se passe. Ils me connaissent, ils savent que j'en ai besoin. Mais ils sont évidemment assez anxieux et assez inquiets pour moi. Je ne les préviens pas quand je grimpe.
Je me suis lancé la première fois sur une tour qu'on peut qualifier de “simple”. Puis, après une tour un peu plus dure, etc. crescendo, jusqu'à récemment, grimper avec Alain Robert sur la tour Total. Toutes les tours m'ont marqué d'une manière différente. Si je devais en choisir une, en termes de sensations, d'émotions, je pense que c'est la Tour Montparnasse, la première fois que je l’ai escaladée. J'avais quand même toute une équipe avec moi, des amis qui étaient là pour me soutenir, pour m'aider, pour me filmer. Mais c'était vraiment une démarche personnelle.
Je ressens une certaine anxiété avant de grimper. Au début, il faut accepter de se vider un peu de toutes émotions. Et ça se fait instinctivement. En fait à ce moment-là, la concentration est forcée. C'est-à-dire qu'on n'a pas le choix de se concentrer, ça se fait automatiquement. Je ne pense qu'à ça. Je ne pense qu'au geste parfait. Vraiment, mon cerveau bloque toutes les informations sensorielles, qui ne sont pas nécessaires à la suite de la grimpe. Jusqu'à ce que j'arrive en haut et que je redescende, je suis vraiment seul, dans ma bulle. Même les 15 minutes avant de grimper, je n'entends pas trop. Je suis vraiment renfermé sur moi-même. Parce que c'est plus une question de survie.
Une fois qu'on arrive en haut, on baisse son regard, on regarde le chemin parcouru, on se rend compte de ce qui s'est passé, on se rend compte de ce qu'on a fait.
On est rempli d'émotions, une sensation de victoire mais assez primitive. En fait, c'est comme si on avait vaincu la mort. On s'est sauvé. Et qu'en plus, on a accompli un de ses rêves.
Je ne suis pas resté en haut très longtemps, parce que la police m'a demandé de descendre. Je sais que ça fait partie du jeu. Je connais la procédure maintenant. Puis quand on commence à grimper, on n'y pense même pas. On pense à la grimpe, on ne pense pas aux conséquences.
Je pense que je suis quelqu'un d'assez pragmatique et c'est un avantage pour ma pratique. Par contre, je suis quelqu'un d'assez peu concentré et quelqu'un de plutôt dans la lune de nature.
Deux choses importantes, c'est se connaître soi et connaître aussi la structure. Et je fais en sorte que mes limites soient bien au-delà des capacités requises pour escalader la Tour Montparnasse.
Je prends des risques bien sûr... C'est juste qu'ils sont maîtrisés, ils sont contrôlés, par moi uniquement. C’est cette idée qui me rassure et qui me permet d'avancer.
J'ai toujours été comme ça. Quand j'étais enfant, je grimpais dans des arbres sur l'île Maurice, qui était tellement hauts, qui pouvaient faire 20-30 mètres. Je n'étais pas anxieux parce que c'était très simple. C'étaient de très grosses branches.
Et c'est un peu pareil aujourd'hui. Quand je suis sur la Tour Montparnasse par exemple, je n'ai aucune raison d'avoir peur parce qu'à l'instant T, je sais ce qui se passe. Je sais ce qui va se passer plus tard et je maîtrise la situation.
Le but, c'est de vraiment essayer de ne pas trop écouter ses émotions et d'écouter un maximum sa logique. C'est ça qui nous distingue des autres animaux je pense. Je ne suis pas en train de dire que je suis une machine dénuée d'émotions, mais en tout cas j'arrive à m'en démêler quoi... »
Conversation avec Alexis Landot, cascadeur de grimpe sans corde
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