"On a beaucoup de mal à imposer silence aux obsessions de son propre tempérament." Charles Percy Snow
TOC : troubles obsessionnels compulsifs. Vous êtes forcément déjà tombé(e) sur un reportage sur les TOC sur une chaîne obscure de la TNT lors d’un dimanche pluvieux. Pourtant, vous vous posez encore des questions. Que sont vraiment ces comportements répétitifs et irraisonnés ? Qui touchent-ils et surtout pourquoi ? Éléments de réponses avec Anne-Hélène Clair, psychologue clinicienne et chercheuse en neurosciences à l’Institut du cerveau à Paris.
“D’où viennent les TOC ?” C’est la question que nous avons posée à Anne-Hélène Clair. Sa réponse fut plutôt étonnante : “On ne sait pas vraiment. Nous avons des pistes, des hypothèses, mais c’est tout.” Toutefois, les chercheurs ont pu mettre en évidence que les TOC étaient le résultat d’un ensemble de facteurs mis en commun :
- Les facteurs génétiques
La génétique jouerait un rôle tout particulier dans l’apparition de ce trouble psychologique. “On dit que si 2 personnes ont des TOC, leur enfant aura plus de risques d’en avoir lui aussi. En revanche, on ne sait pas encore quels gènes sont impliqués dans la transmission”, explique Anne-Hélène Clair.
- Les facteurs environnementaux
Que ce soit l’environnement dans lequel on vit ou on agit, la façon dont on est éduqué ou dont on va se comporter avec les autres, en société ou à l’école… L’environnement jouerait lui aussi un rôle dans l'apparition des TOC.
- Les facteurs neuronaux
Comment fonctionne notre cerveau, comment interagissent nos neurones… Bref, plus globalement, c’est la biologie de notre cerveau qui pourrait avoir une influence sur l’apparition des TOC chez un sujet. “De façon plus générale, nous nous trouvons dans un modèle bio-psycho-social. C’est-à-dire que c’est cet ensemble de facteurs qui font qu’un sujet va développer, à un moment donné, des TOC”, développe notre spécialiste.
L’apparition
Le déclenchement et le développement des TOC restent très inégalitaires selon les sujets. On note généralement un premier pic d’apparition vers l’âge de 10-12 ans et un second chez le jeune adulte vers 20 ans. “Malgré cette récurrence, il faut savoir que les TOC peuvent survenir à tout âge. J’ai par exemple déjà reçu un patient qui a eu ses premiers TOC à la retraite”, insiste la psychologue. Dans la façon dont se déclenchent les TOC, là aussi, on note une certaine inégalité. Certains sujets vont se souvenir, avec précision, du moment où les TOC sont apparus et du déclencheur. Pour d’autres, c’est plus compliqué. Les TOC s’installent petit à petit de façon insidieuse, jusqu’à handicaper le quotidien...
Une fois que le TOC est installé, il y a des différences en fonction des gens. La plupart du temps, le TOC évolue spontanément. Il devient de plus en plus sévère et invalidant.
Un quotidien handicapé et handicapant
Les troubles obsessionnels compulsifs se caractérisent par la présence d’obsessions et de compulsions, des pensées récurrentes et extrêmement angoissantes.
Zoom sur les symptômes principaux :
1. Les obsessions
Les obsessions ? Ce sont toutes les pensées non souhaitées qu’un sujet va voir. Ces pensées sont toujours les mêmes et reviennent dans la tête tel un boomerang. Elles sont impossibles à chasser et arrivent, en général, avec des angoisses. Elles sont souvent liées à la propreté, à la peur de faire une erreur, à la religion ou à la sexualité. Voici quelques exemples :
- La peur obsédante d’être contaminé par une maladie, la peur de la saleté ou des microbes ;
- La peur obsédante d’avoir commis une erreur, d’avoir oublié quelque chose d’important, comme ses clefs ;
- Des obsessions liées à des pensées sexuelles qui semblent choquantes ou taboues ;
- Des pensées obsédantes liées à la religion, à Satan, etc.
2. Les compulsions
Les compulsions ? Ce sont toutes les choses qu’un sujet va faire, sans pouvoir s’en empêcher, afin de se rassurer et de calmer son angoisse. “Si une personne a peur des contaminations, cette dernière aura des compulsions de lavage. Elle pourra enchaîner les douches, faire des heures de ménage et se laver les mains à outrance dans la même journée. Si une personne a peur de faire des erreurs, elle vérifiera sans cesse les mêmes choses”, précise la spécialiste. Il est important de préciser que les compulsions sont très diverses et variées selon les sujets atteints. Le seul point commun est que ces stratégies, mises en place quotidiennement, deviennent rapidement extrêmement gênantes et handicapantes.
3. Les évitements
Comme son nom l’indique, ce symptôme permet d’éviter, ou du moins de limiter, les compulsions : ne pas sortir pour éviter de vérifier 1000 fois si la porte est fermée, ne pas fréquenter des gens pour éviter d’attraper une maladie ou encore laisser les autres ouvrir les portes afin de ne pas toucher les poignées sont des exemples parmi tant d’autres.
TOC ou pas TOC ?
Mais alors, ai-je des TOC si je suis une obsédée du ménage ? Ai-je des TOC si je vérifie de temps en temps que ma porte d’entrée est bien fermée ? Pas de panique ! On dit que les obsessions doivent constituer un réel handicap dans la vie du patient pour parler officiellement de TOC. Si de telles pensées arrivent par mois, ce n’est pas grave. La notion de gène et de souffrance est extrêmement importante dans le diagnostic de la maladie. Par ailleurs, on remarque également qu’il y a un type de personnalité plus sensible aux TOC. “Par exemple, des personnes anxieuses qui se font du souci pour les petites choses du quotidien. Mais heureusement, ce n’est pas forcément parce que l’on est anxieux que l’on va développer des TOC dans la vie”, insiste Anne-Hélène Claire.
Vivre avec les TOC
Peut-on vivre avec des TOC ? Forte heureusement oui. Ce trouble est loin d’être rare puisqu’il concerne 2 à 3 % de la population. “Beaucoup continuent à vivre, ont un travail et une vie de famille même si au quotidien, les TOC sont très handicapants”, développe la psychologue. Cependant, sans prise en charge, ces derniers ont tendance à augmenter avec le temps et provoquer des situations graves. “J’ai des patients qui ne sortent plus de chez eux. D’autres qui sont totalement dépendants de leurs proches, qui ne peuvent plus se doucher, se nourrir, etc. Ces personnes sont d’ailleurs reconnues comme handicapées par la Sécurité Sociale”, précise la spécialiste.
Quels traitements et pour quels patients ?
Plusieurs options existent. Dans un premier temps, il est important d’en parler avec un psychiatre, un psychologue ou tout simplement un médecin traitant. Il existe également des associations qui permettent de libérer la parole, c’est le cas de l’association AFTOC. Une fois ces premières étapes réalisées, le patient est généralement orienté vers la méthode qui lui convient le mieux, soit :
- Les traitements médicamenteux : ces derniers sont utilisés depuis les années 70. Ce sont des antidépresseurs prescrits à des doses plus importantes que dans le cas d’une dépression.
- La thérapie cognitive et comportementale (TCC) : à l’heure qu’il est, c’est la seule thérapie reconnue comme étant efficace pour les TOC. Elle peut être dispensée par des psychologues ou des psychiatres.
Les résultats entre ces deux techniques sont assez similaires. Globalement, il n’y a pas de différence entre les médicaments et la TCC. Cependant, on sait que c’est l'alliance de ces deux techniques qui fonctionne le mieux. “Quoi qu’il en soit, on ne guérit pas des TOC comme on guérit d’une angine. C’est un travail de longue haleine. Cela peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années.”, explique la spécialiste. “En thérapie, avec l’expérience, j’ai appris à utiliser le rire pour calmer certains patients. On se taquine. Cela fait du bien de prendre un peu de distance par rapport à ses obsessions ou compulsions et c’est généralement signe d’une chouette étape de progression. Prendre du recul par rapport à sa souffrance et ses symptômes sera toujours positif !”, conclut Anne-Hélène Clair.
Allez, on garde espoir !